Aller au contenu

13.0.0.0.0, ou toute la vérité sur le calendrier maya, internet et l’homo evolutis

Par Régis Kuckaertz

Conférence (50 mn) :
Langue :
Français
CC

Liens connexes

Le sujet

Nous sommes des créateurs privilégiés. Pendant des années, des femmes et des hommes se sont battus pour le web que nous avons aujourd’hui. Ils ont évangélisé une religion sacrilège, la standardisation. Ils ont joué aux savants fous en fusionnant plusieurs sciences en une seule, l’expérience utilisateur. Ils ont défendu les intérêts de personnes qui ne soupçonnent même pas leur existence. Et ils ont tissé les fils d’un futur où nous pourrons à notre tour en faire de même, moins les contraintes.

Ce futur est enfin arrivé. Nous avons les outils. Nous avons les supports. Les techniques. La science. L’art. La question que tout le monde est en train de se poser en ce moment, c’est : qu’en faire ? L’intelligentia du web réalise enfin que ce qui compte, ce ne sont ni les techniques dernier cri, ni la maestria des artistes digitaux ; ce sont les interactions qui naissent de leur combinaison, ce sont les expériences mémorables qui n’auraient pas été possibles sans elles.
Voyons cela en détail avant que l’univers n’implose.

Présenté par

Transcription

Je m’appelle Régis. C'est moi. [Sourire]
La classe !
Donc je travaille dans une agence…
Non, vous savez quoi ? Je vais pas parler de ça.
Plutôt que de vous parler de ce que je fais, je vais vous parler de qui je suis exactement.
Donc je suis le genre de personne qui peut se jeter corps et âme dans une aventure, simplement parce qu’il y croit alors que tout le monde me dit que c’est pas le cas.
J’ai fait beaucoup de mal. J’ai fait beaucoup de bien aussi.
Cette main est capable d’écrire des choses qui peuvent convaincre une personne qu’elle est le centre de l’univers.
Qu’est-ce que je peux dire d'autre sur moi ?
J’ai fait des choses super bien ! J’ai changé le monde !
A mon échelle, mais j’ai changé le monde quand même.
J’ai souffert, j’ai jouis, plein de choses.
Rien que je regrette.
A vrai dire, si je suis comme ça, si je suis là devant vous aujourd’hui, c’est grâce à toutes ces choses.
Donc j’en suis vraiment très fier.
Ça c’est moi encore torse nu, juste pour vous dire qu’à partir de huit ans j’ai eu mon premier T-shirt. [Rires]
Et ça c’est moi il y a quelques mois parce que je me suis vraiment demandé ce que j’allais vous dire pendant ces 50 minutes-là.
J’ai commencé vraiment à flipper.
Heureusement, j’ai eu la bonne idée d’aller sur le site de Paris Web.
Et c’est là que j’ai vu en fait que l’équipe de Paris Web avait eu la bonne idée de mettre un thème à ma présentation.
Et ça je pense que je peux vraiment le faire.
Donc c’est parti !
Alors autour de cette présentation, je vais vous parler de la fin du monde, de Satan et bien entendu, du New York Times.
On va commencer par la fin du monde.
Est-ce que quelqu’un sait ce que ça veut dire 13.0.0.0.0 ?
Non ?
C’est une date dans le calendrier maya.
En fait c’est pas vraiment une date.
Le calendrier maya c’est plutôt des durées.
Il faut savoir qu’ils ont un système de datation assez particulier.
Moi je le trouve très sexy en fait.
C’est assez facile de calculer. À gauche vous avez une date dans le calendrier maya, à droite, le nombre de jours.
Et en fait ce nombre, c’est une période de plus ou moins presque 2 millions de jours.
Et ça correspond en fait dans leur mythologie à la durée du monde.
Donc c’est pour ça que depuis quelque temps on parle de la fin du monde.
Mais il faut savoir que pour les Mayas, ça ne fonctionne pas exactement de manière séquentielle comme ça.
C’est plutôt des cycles.
C’est-à-dire qu’à la fin du monde il y a un nouveau monde qui arrive.
C’est ça qui est vraiment chouette !
C’est assez rassurant.
Parce que vous pouvez être sûr que le 21 décembre il ne va rien se passer de bizarre. Et par contre, ils vont faire la fête ça c’est clair !
Il y a des chances que beaucoup de gens dansent tout nus dans la rue.
Imaginez que vous fassiez le Nouvel An une fois tous les 2 millions de jours. Vous pouvez vous représenter ce que ça représente pour eux. [Rire]
Par contre, ce cycle en fait correspond à la création de l’homme.
C’est-à-dire qu’à chaque fois, il y a eu une tentative de création de l’homme à partir d’une matière.
Il y en a plusieurs qui ont échoué, une qui a fonctionné.
Et je sais pas si vous êtes au courant, mais on est sur le point de vivre, encore heureux, mais on est en train de vivre une véritable transition en tant qu’êtres humains.
Il y a quelques mois je suis tombé sur cette présentation qui parlait de l’homo evolutis en fait,
et dans laquelle ce monsieur explique simplement qu’on est désormais capable de maîtriser notre propre évolution.
C’est-à-dire qu’on a décodé l’ADN, on sait faire des transplantations, on sait faire des greffes, on sait faire du clonage.
Donc il n’y a rien qui nous limite aujourd’hui, techniquement parlant, à faire des choses qui nous permettent de devenir plus que des êtres humains.
Alors ça n’a absolument rien à voir avec mon speech.
Mais par contre, j’ai cette impression que sur le Web, on est arrivé plus ou moins à cette même phase.
C’est-à-dire qu’on a toujours été considéré un petit peu comme les enfants terribles de l’imprimerie, du marketing, de la communication, du logiciel,
et on n'a jamais vraiment eu une histoire qui nous était propre.
Or, depuis quelques temps, bon, vous savez qu’il y a eu une période où les standards ont vraiment été sous le feu de la rampe.
Mais aujourd’hui on vit une transition où on commence à avoir vraiment notre corps de littérature, notre corps de savoir, qui n’a presque plus rien à voir en fait avec la littérature des autres disciplines.
Je pense qu'en fait, c’est vraiment l’opportunité pour nous de voler de nos propres ailes et de montrer vraiment ce que l’on peut créer de particulier sur Internet.
Alors un petit peu de background.
Il faut savoir que j’aime beaucoup lire.
Je pense que c’était mis dans ma bio.
J’aime beaucoup lire simplement parce que j’aime le contact du papier dans mes mains.
Mais aussi parce qu’une partie de moi, je la déverse à chaque fois dans le livre que je lis, en particulier celui-là.
C’est un livre qui m’a vraiment marqué. Je sais pas si quelqu’un connaît dans l’assemblée ?
Excellent !
Il faut savoir que j’ai mis un an à le lire parce que c’était vraiment très dense.
J’ai appris beaucoup de choses.
Mais le truc c’était que le Régis avant et le Régis après, c’était pas du tout la même personne.
Je peux même dire que je voyais la vie d’une manière différente, que ça a complètement changé ma vision des choses et la vision que je me faisais de ma propre vie.
Et à vrai dire, en fait, quand je tiens ce livre en main, j’ai des tas de souvenirs qui me reviennent en tête, et des tas de choses en fait que je revis et qui me font ressentir des choses vraiment extraordinaires.
Oui un livre peut faire sentir des choses extraordinaires.
Et en fait, il y a quelque temps, il y a eu cet article qui est paru sur le magazine A List Apart qui parlait plus ou moins de la même chose : de notre capacité à pouvoir décharger des émotions et des souvenirs dans les objets.
Je pense que c’est quelque chose qu’on fait sans cesse.
Sans quoi, on serait en fait incapable de vraiment se concentrer sur des tâches.
C’est-à-dire par exemple, vous avez les photos de vacances.
Ces photos de vacances, elles vous servent dix ans plus tard à retrouver les sensations que vous aviez lorsque vous étiez en vacances.
Mais entre-temps, vous avez complètement oublié que ces sensations existaient.
C’est la même chose avec plein d'objets.
Mais j’ai aussi l’impression qu’on ne se focalise pas uniquement sur des objets.
Il arrive souvent, je pense que tout le monde a fait cette expérience, de regarder des gens dans la rue, heureux, de voir des amoureux s’embrasser, des gens se tenir la main et de se dire…
Enfin à ce moment-là, de sentir quelque chose de plus que : "oui ça me fait plaisir de voir ces gens-là !"
Mais avoir vraiment une réaction chimique qui se passe en soi.
On se sent un peu plus léger, on a l’impression que la journée va être extraordinaire.
On se sent pousser des ailes en fait.
Ma thèse aujourd’hui c’est de vous montrer qu’on est capable de faire exactement la même chose avec des sites Internet.
C’est-à-dire que je pense qu’on peut faire ressentir des choses, qu’on peut créer des liens émotionnels vraiment avec une page Web.
A vrai dire, il y a un fondement scientifique à ça.
C’est ce qu’on appelle la contagion émotionnelle.
Donc, quand on voit des gens par exemple, on déverse sur eux des sensations que nous-mêmes on a ressenties auparavant, mais qu’on revit à travers leur propre expérience.
Et c’est pareil sur une page Web à vrai dire.
La façon dont on communique, la façon dont on véhicule l’information, elle peut créer chez nous, déclencher des mécanismes qui nous rappellent, qui nous évoquent en fait des sensations.
Alors je dis pas qu’on est capable de faire l’ingénierie des sentiments.
A vrai dire je pense que c’est plutôt un mécanisme qui naît de tellement de paramètres qu’on peut pas vraiment le prédire.
J’aime bien penser aussi que c’est quelque chose d’organique.
C’est-à-dire que quand on conçoit un site, j’aime bien que ce soit une espèce d’échange avec l’internaute.
C’est-à-dire, on lance quelque chose en ligne, on voit un petit peu comment ça marche, et on adapte au fur et à mesure en fonction des réactions.
On mesure on adapte, on mesure on adapte.
Est-ce que c’est important aujourd’hui ?
Je pense en effet.
A vrai dire, la présence en ligne de certains sites est tellement bonne au niveau technologie et au niveau design qu’aujourd’hui les gens se sont plus ou moins habitués à un niveau de qualité qui oblige en fait tout le monde à s’aligner là-dessus.
Et petit à petit, on remarque de moins en moins, en tout cas on fait de moins en moins attention à ce niveau de qualité.
Je crois qu’on a besoin en fait d’aller un petit peu plus loin dans la création des expériences.
Et en l’occurrence, moi je pense que l’une des choses à laquelle on peut s’intéresser, c’est vraiment de toucher les gens au plus profond d’eux-mêmes, d’essayer de créer chez eux quelque chose de mémorable qui va les faire réagir, qui va vraiment les intéresser.
Être honnête, avoir de l’humilité, se présenter en tant qu’être humain, essayer de partager avec eux des expériences, montrer nos faiblesses, montrer nos forces.
Je crois que c’est quelque chose qu’on peut vraiment explorer pour créer des expériences qui ont vraiment du sens.
Donc là je vais vous passer en revue plusieurs expériences que j’ai vécues moi-même.
Donc je vous présente Christine.
Elle est belle hein ? [Rire]
C’est la femme de mon collègue Christophe. [Rires et applaudissements]
Le mariage. Donc les yeux qui pétillent, l’amour, des superbes souvenirs, des moments vraiment extraordinaires.
Et on peut regarder ça sans cesse, on retrouve encore ces sensations.
Je sais pas si vous connaissez ce site ?
Ça a été créé par un designer assez célèbre en fait qui a créé le site de Nike, vous savez qui scrollait de façon tout à fait bizarre.
C’est une espèce de journal intime.
Et pourquoi je vous parle de ça ?
C’est parce que le mariage c’est clairement quelque chose, en tout cas quand ça se passe bien, que, en tant que personne si on a un journal intime, c’est le genre de choses qu’on envie de noter, qu’on a envie de consigner, qu’on a envie de garder avec soi.
Et en fait, en parcourant ce site Internet-là, on a l’impression vraiment de s’immiscer dans la vie personnelle du gars et de parcourir son journal intime à lui en fait.
D’ailleurs il est vraiment couillu de publier ça en ligne.
Parce que je trouve que c’est tout à fait personnel, c’est une grande preuve d’ouverture de mettre ça à la vue de tous.
Donc allez-y, ! Je vous encourage vraiment à aller sur ce site.
A vrai dire, s’il vous fait pas vibrer je pense que vous n’avez aucune émotion. Donc voilà.
Pourquoi est-ce que je pense que ce site est extraordinaire ?
Je crois en fait que c’est la première fois que je tombe sur une page qui me fait complètement oublier que je suis sur Internet à vrai dire.
J’ai plus l’impression même de parcourir un livre physique que de parcourir une page Web.
Je crois qu’en grande partie c’est dû à ce mariage, c’est vraiment cette symbiose totale entre la façon dont le contenu est mis en page, le texte évidemment qui est vraiment formidable, et les interactions.
Les interactions c’est époustouflant, parce que tout est calculé, tout est millimétré :
la cadence du contenu, la narration, la taille des images, le temps d’une transition entre un article et un autre, le temps d’une transition entre une page et une autre, tout a été vraiment calculé pour donner en fait cette impression qu’on est dans un espace physique.
Et je trouve ça vraiment unique. Alors juste un petit mot sur le point de vue technique. Je vais pas entrer dans les détails mais…
Il est vrai que c’est vraiment ennuyant de scroller une page Web, vous trouvez pas ?
Ça va de haut en bas, ya jamais rien qui se passe.
Et depuis quelques temps, enfin même depuis plusieurs années, il y a beaucoup de designers qui essaient de sortir de ce carcan et de créer quelque chose en plus, d’ajouter une touche de leur personnalité ou de créer une histoire en fait, qui met le contenu en valeur ou qui le glorifie de telle façon qu’on le comprend à un autre niveau.
Vous avez certainement déjà vu ce site par exemple…
C’est pour une application iPhone.
Qui s’appelle Ben the bodyguard
et vous voyez le type en l’occurrence qui marche, au fur et à mesure que vous scrollez, vous voyez le personnage qui marche dans la rue et qui vous parle, qui interagit avec vous.
Et ça représente… Ça m’a fait revivre moi en tout cas personnellement les jeux vidéo des années 80 sur ma Méga Drive.
C’était vraiment chouette ! Parce qu’on avait l’impression, moi j’avais l’impression d’être le personnage au centre de l’action et c’est…
En l’occurrence, j’étais hyper impliqué dans la lecture de la page.
Un autre exemple encore :
vous avez certainement vu ce site qui fait la part belle à Internet Explorer 9 en montrant des exemples d’utilisation des Webfonts.
Il y en a un qui m’avait particulièrement marqué c’était cette page sur Atlantis où en fait vous descendez sous la surface de l’eau. Et vous descendez petit à petit. Il y a des informations qui apparaissent.
Et encore une fois c’est dans un ascenseur et on a l’impression d’être dans cet ascenseur, d’attendre le moment final où on va atterrir dans la ville cachée.
Un dernier exemple qui m’a vraiment époustouflé, c’était au moment où le film « Inception » est sorti.
J’ai vraiment trouvé ça… Ouais.
Où là en fait il y a plus de scroll du tout.
C’est une interface de zoom, un peu comme les collègues précédents vous l’ont montré.
Le scroll en fait ça n’existe plus, c’est juste, on rentre dans un niveau de lecture, et puis on rentre dans le suivant.
Et ainsi de suite jusqu’à la fin de la page.
J’avais jamais vu ça avant.
C’est quand même grand !
Bon les sentiments sur Internet, c’est pas nouveau du tout.
En fait je pense même que le plus répandu et le plus ancien c’est la haine.
Vous avez tous été impliqués dans une conversation mondaine tout à fait de bon aloi, avec d’autres personnes.
Quand soudain, un type qui arrive dans l’ambiance, et il suffit qu’il trouve les bons mots pour que tout bascule. Et là, a vrai dire, c’est à ce moment-là que tout le monde montre le pire côté de sa personnalité, et ça part vraiment en couille.
Ce genre de comportement-là, il faut savoir d’ailleurs qu’il existe une vraie académie pour apprendre à troller, physique, c’est pas seulement en ligne.
C’est une faculté aux États-Unis : l'université de Swansea, je pense.
Et vous pouvez avoir des cours en ligne aussi, vous pouvez télécharger le matériel de lecture. C’est assez intéressant.
Il y a un nom, en fait, à ce comportement qu’on a de réagir spontanément par la violence ou par la haine à des petits stimuli comme ça.
Vous voyez la personne qui évidemment est en train de rigoler parce que vous vous déchainez sur lui.
C’est exactement l’effet qu’il voulait susciter.
Et ben, c’est expliqué en long en large dans ce livre L’effet Lucifer.
Donc il faut savoir que Lucifer, c’était l’ange préféré de Dieu.
Il lui a désobéi.
Du coup Lucifer est en enfer et aujourd’hui s’appelle Satan.
Aujourd’hui… Enfin voilà.
Et en fait, selon certaines techniques, ou en tout cas dans certains contextes sociaux, il est très facile pour une personne qui est a priori tout à fait normale de devenir le pire des salauds.
Et ça a en effet, comment dire ? Ça se propage. C’est-à-dire c’est contagieux.
C’est vraiment… Vous êtes dans un groupe, et simplement le fait d’appartenir à ce groupe, si quelqu’un vient menacer la stabilité de ce groupe, vous allez tous devenir ben les pires salauds.
C’est comme ça !
Donc, énormément de sites en sont victimes, y’a pas beaucoup de sites je pense qui se basent là-dessus, mais il y a énormément de sites qui sont victimes de ces petites expériences.
Par contre, ce monsieur, donc c’est l’auteur du livre en question. Depuis quelques années, après avoir étudié le pire des penchants humains, il s’est tourné complètement de l’autre côté.
Il essaye en fait de développer des études sur la capacité de chacun à devenir un héros.
C’est-à-dire dans des petites situations de danger, ou que sais-je ? On a toujours l’impression que le héros moderne, c’est en fait une espèce d’athlète, super musclé, qui peut courir le marathon puis après faire 20 pompes ou 100.
Et c’est pas du tout le cas, en fait.
Ce monsieur explique tout simplement que l’héroïsme, c’est quelque chose que l’on peut faire au jour le jour, par des petites actions qui améliorent en fait le quotidien d’autrui. Je n’ai pas trouvé de site qui exploitait les résultats de ses recherches.
Mais par contre essayez d’imaginer un petit peu ce qu’on pourrait faire si, au contraire, on créait par exemple un réseau social qui était basé sur votre karma, votre capacité à réaliser des choses positives. Ce serait, moi je trouve en tout cas, extraordinaire.
Le jour où ça s’est produit, j’étais tétanisé, mais complètement tétanisé, incapable de faire quoi que ce soit.
A vrai dire, je tournais dans mon appartement, je savais vraiment pas quoi faire.
La seule chose qui m’est venue à l’esprit, c’est d’écrire.
C’est généralement ce que je fais quand je suis stressé.
J’ai écrit une lettre d’adieu à mon amie qui était plutôt en fait une oraison.
Une oraison d’ailleurs qu’on m’avait demandé de réciter à l’église.
Mais comme vous le savez, quand on est à l’église on ne peut pas imaginer tout le monde tout nu. Donc j’ai refusé. [Rire]
C’est pourquoi j’ai fait la seule chose qui m’est venue à l’esprit à ce moment-là, c’est que j’ai publié la lettre sur Internet.
J’avais pas vraiment d’espoir, ou j’avais pas vraiment calculé.
Je l’ai fait comme ça, j’ai dit : "voilà je l’ai transmise, si vous avez des choses à dire, n’hésitez pas."
C’est là en fait que ça s’est produit. Il y a eu une avalanche de réactions, de témoignages, d’amour, de tristesse, des souvenirs, des "au revoir".
Et c’était beaucoup plus important que ce que moi j’avais écrit, à mes yeux.
J’ai vraiment vu… En fait, j’ai vraiment vu quelque chose d’extraordinaire se dérouler devant moi.
Merci.
Le sentiment de tristesse intense, le sentiment de mélancolie profond.
En est ressorti quelque chose d’extrêmement positif.
Positif ? Dans un certain sens.
Évidemment, ça arrive tous les jours sur Internet des choses comme ça. Il y a rien d’exceptionnel.
Il y a juste 400 commentaires. C’est pas grand-chose.
Mais par contre je pense qu’il faut le vivre pour réaliser ce que ça représente en tant qu’être humain.
Et c’est, je crois, à ce moment-là que j’ai commencé à réfléchir à cette façon qu’on avait de se connecter avec les gens en ligne, et comment nous, en tant que concepteurs, on pourrait vraiment essayer de reproduire ces choses-là.
En tout cas simplement en exposant nos faiblesses.
Et à vrai dire, je suis pas le seul à y avoir pensé.
Il y a un homme que je suis, un monsieur que je trouve très intéressant depuis assez longtemps.
Je sais pas si vous connaissez ?
Pour moi sur Internet c’est un des plus grands artistes contemporains.
Étant donné qu’il n’y a pas d’ère avant le contemporain, sur Internet, ce que je viens de dire ça n’a pas de sens. Mais c’est pas grave.
Jonathan Harris, donc, en fait, c’est un designer.
Il est aussi informaticien, statisticien.
Et lui son job, enfin son trip, c’est de collecter des informations sur l’être humain, énormément d’informations dans le monde entier, de les regrouper, et d’essayer de trouver des connexions, ou en tout cas, d’essayer de générer, de donner une nouvelle signification à ces informations-là.
Il a fait plein de projets. Je vais vous en présenter vite fait quelques-uns.
Parce que j’en ai choisi un, entre autres, sur lequel je voudrais m’étendre.
We feel Fine : ça date de plus ou moins dix ans, je pense, un peu moins.
We Feel Fine, en fait c’est très simple :
il a créé un programme qui parcourait tous les blogs de la blogosphère et qui en retirait des phrases, des phrases qui contenaient certains mots, certains mots qui pour lui représentaient telle ou telle émotion.
En retirant ces phrases, et éventuellement parfois une photo qui était associée à l’article, ben il les a condensés dans une base de données.
Ensuite il les présente dans une interface totalement inouïe : vous pouvez, vous en tant que visiteur, voir ces phrases sorties complètement de leur contexte, et leur donner une nouvelle signification.
C’est-à-dire par exemple, quelqu’un qui est d’une tristesse intense, sans lire l’article complet vous voyez une phrase sortie de cet article. Pour vous en fait c’est étrange, parce que ça évoque certaines choses qui sont peut-être complètement personnelles, qui n’existaient pas avant et que vous venez de recréer.
Un autre projet qui est plus ou moins similaire : ça s’appelle LoveLine.
Donc, même système : il analyse des blogs et des blogs.
Il en retire en fait des informations concernant l’amour ou la haine, et en fait tous les sentiments entre les deux.
Encore une fois, interface super intéressante à naviguer, avec des connexions qui se créent entre les phrases, et qui créent de nouvelles significations. Et c’est vraiment super intéressant.
Encore un autre projet qui était plutôt physique. Donc là il est parti à la chasse à la baleine avec une famille Inuit.
Ça dure 9 jours. Pendant ces 9 jours, il prend des photos.
Toutes les minutes, il prend une photo.
Il prend des photos et il monitore son rythme cardiaque.
Une fois qu’il a terminé, il publie tout sur Internet.
Et en fait chaque photo est liée à son rythme cardiaque.
Vous pouvez parcourir toute la chasse à la baleine, voir quels étaient les moments intenses, quels étaient les moments calmes, quels étaient les moments où il a partageait des choses avec la famille, quels étaient les moments où il a eu peur, quels étaient les moments où il était physiquement mis à contribution, et des choses comme ça.
Et vous pouvez voir aussi… Enfin il faut aller sur le site c’est super intéressant à voir !
Les ballons du Bhoutan.
Alors je sais pas si vous savez ?
Au Bhoutan, on mesure la prospérité, pas avec le revenu moyen des gens mais avec leur degré de bonheur.
C’est le seul pays au monde qui fait ça.
Et d’ailleurs ils n’utilisent pas le GDT, mais ils utilisent l’indice de bonheur par personne.
Et donc, il est allé au Bhoutan, il a interrogé une centaine de personnes.
Une centaine de personnes, il leur a demandé : pour toi, qu’est-ce que ça signifie être heureux ?
Et encore une fois, tout est sur Internet.
Vous avez des extraits de confessions qui sont vraiment intenses, qui vous mettent parfois la larme à l’œil,
Qui vous font rire, toutes les émotions que vous ressentez, vous partagez vraiment avec des gens.
C’est vraiment extraordinaire à vivre !
Donc le site qui moi m’intéresse en l’occurrence c’est un réseau social qui s’appelle Cowbird.
Alors pour vous expliquer un petit peu ce qu’est Cowbird :
imaginons ici qu’on ait la frise de l’expression écrite.
Ici c’est le niveau zéro.
Donc on va dire que le niveau 0 c’est Twitter.
Ici on a Google Plus.
Et ici on a Cowbird.
Donc le but de ce site en fait, là où Twitter c’est assez sémantiquement pauvre, on est très limité, Cowbird on a l’occasion en fait d’exprimer absolument tout ce qu’on ressent.
Donc l’objectif de ce site c’est de parler d’expériences personnelles ; peu importe ce que ce soit, peu importe la mort, la vie, le bonheur, le mountain bike, la guerre, la mélancolie, la tristesse, absolument tout.
Et vous pouvez simplement écrire un poème, écrire une chanson, chanter ou pouvez mettre des pistes audio, des vidéos, des photos évidemment. Et je vous encourage à aller sur ce site parce que ce qui est super… Ce qui est surtout très intéressant c’est de le parcourir en tant que visiteur.
Parce que là, je dirais que c’est un peu le même effet que Wikipédia, une fois qu’on est dessus on sait jamais quand on va ressortir.
C’est une expérience unique !
Là c’est vraiment une explosion de souvenirs qui revient en vous.
Simplement le fait de partager des moments super intimes en fait avec les gens, et de voir ce que eux auront vécu, et de faire le parallèle avec ce que vous avez vécu. C’est vraiment unique !
Il y a une section du site qui me plaît en particulier :
c’est la section saga.
Là, le site organise les confessions en thèmes, des thèmes qui peuvent transcender les limites physiques ou les limites du temps, qui correspondent à des événements de l’histoire qui sont à marquer d’une pierre rouge… D’une pierre blanche pardon, et des choses comme ça.
Vraiment intense ! Vraiment unique !
Alors ! Je vous présente mon papa.
C’est celui de droite.
Mon père est un lecteur avide de la presse.
Tous les jours de façon totalement inlassable, il ouvre son journal, il lit de A à Z.
C’est très intéressant à regarder.
Je sais pas comment il fait parce que personnellement je lis pas la presse papier.
Est-ce qu’il y a des gens qui lisent la presse papier ?
Je parle pas du Métro. Deux, d'accord.
Oui, c’est quelque chose qui se perd, malheureusement, je pense.
Pourquoi est-ce qu’on perd cette excitation en fait à découvrir ce qui se passe dans le monde ?
Je trouve ça vraiment dommage.
Même moi parfois je m’en veux de pas simplement aller dans un bureau de presse, un tabac, acheter le journal, m’asseoir la table d’un café, et le parcourir.
Je ne l’ai jamais fait.
Et je le fais pas en ligne non plus.
Je crois qu’en ligne c’est pareil en fait, si vous regardez les sites de presse, au final ils se ressemblent tous.
Alors je dis pas que le contenu en soi n’est pas terriblement intéressant.
C’est le cas, le niveau journalistique est souvent très très bon.
Mais par contre, il y a rien d’excitant.
Le New York Times par exemple que je considère le meilleur journal en ligne actuellement, ne donne pas vraiment envie d’aller tous les jours visiter ce qui se passe dans le monde ou aux États-Unis en l’occurrence.
Par contre, je sais pas si vous l’avez vu, ce site qui est sorti il y a quelques semaines ?
C’est totalement unique !
En fait c’est le USA Today, un journal qui a fait le pari complètement fou de mettre en ligne quelque chose qui ne ressemble pas du tout un journal en ligne.
J’ai un trou noir.
Ça va revenir. C’était prévu de toute façon. Vous allez voir.
Qu’est-ce qui est unique dans ce site ?
C’est simplement que tout est unique.
Il y a tellement de façons de présenter l’information.
Et pourtant, si vous comparez les sites que je vous ai présentés précédemment, ils utilisent tous les mêmes mnémoniques, tous les mêmes moyens d’inciter les gens à cliquer.
Alors que sur ce site il y a vraiment quelque chose d’unique où ils ont décidé de repenser absolument toutes les interactions.
En fait si on compare, on dirait que ce site c’est presque une application sur une tablette, mais c’est sur Internet.
Rien que ce fait là, en fait, rien que cette façon de montrer le contenu, de le mettre en valeur, de le mettre en page, et là quand je dis mettre en page c’est pas simplement avoir un template dans lequel tout le contenu se glisse, c’est vraiment, pour chaque section, pour chaque type de donnée, ils ont repensé l’architecture de l’information.
Ils ont mis en page, embelli le contenu de façon à lui donner une réelle valeur, plus qu’une simple valeur journalistique.
C’est vraiment pour créer… Pour que l’utilisateur…, pour que le lecteur souhaite, soit excité de lire l’information.
Et à vrai dire, depuis que j’ai découvert ce site-là, ben il m’arrive très souvent presque tous les jours d’aller voir ce qui se passe, d’aller voir s’ils ont mis en ligne des choses un peu nouvelles.
Parce que je trouve… Parce qu’ils le font de temps en temps.
Et ben voilà, il arrive que des accidents heureux arrivent et que je découvre ils ont mis en ligne.
C’est nouveau, étudions un peu ce que ça donne !
Et voyons ce qu’il y a d’unique !
Voilà, là je vous ai fait vraiment un tout petit panorama des sentiments qu’on pourrait suivre, qu’on pourrait ressentir sur Internet.
Il y en a éventuellement une flopée.
Bien sûr, je crois que c’est notre devoir, notre tâche d’explorer ce qui est faisable. Il y a tellement, tellement de choses à découvrir !
Moi, en tant que concepteur je suis super excité à chaque fois qu’on me donne l’opportunité de recréer quelque chose de zéro.
Parce que là c’est vraiment l’occasion d’essayer de se dire : OK, on fait table rase, on efface tout, on recommence. Et on voit ce qu’on peut faire d’unique.
Vous pouvez vous rhabiller ! Merci. [Sourire et applaudissements]
Président de session : questions ?
Question n° 1
Intervenant salle (IS) : merci, bonjour.
Moi c’est une question, enfin c’est peut-être aussi une préoccupation.
Parce que faire éprouver des sentiments etc., il y a des gens qui savent très bien faire ça : les artistes. Ils savent très bien le faire.
Mais il y en a aussi beaucoup… Enfin moi je vois deux catégories de gens qui jouent avec les sentiments des gens mais pas pour des fins… Pas afin de leur faire plaisir ou quoi, c’est les politiciens et les publicitaires.
Et je suis un peu préoccupé, parce que, si on arrive vraiment à transmettre des sentiments, la peur, la haine, etc. au travers de ces médias-là, moi j’ai peur de la manipulation qui en découle.
Qu’est-ce que tu penses de ça ? Est-ce que tu penses que ça serait une bonne chose vraiment… que ça serait vraiment une bonne chose d’aller dans le "tout sentiment" ou est-ce que ça serait une mauvaise chose ? Où serait la limite, quoi ?
Régis : à vrai dire, le sujet n’est pas nouveau.
Chaque fois qu’il y a une découverte, il y a toujours le potentiel de l’utiliser d’une façon nuisible à autrui.
Vous avez par exemple, je sais pas si ça vous intéresse, mais le neuro-marketing ?
La technique consiste à explorer, en tout cas à étudier, le comportement du cerveau quand les gens regardent une publicité par exemple.
C’est pareil, ça peut basculer dans les deux sens.
Soit on l’utilise à bon escient, et on essaie d’améliorer simplement son message de façon à ce que ça ait de l’impact, soit on essaye de manipuler les gens, simplement de leur mentir et de les inciter à faire des choses qui sont pas bonnes pour elles, comme acheter les produits.
Et c’est pareil ici évidemment. Il y a… Il y aura toujours des gens qui vont abuser des bonnes choses. Espérons simplement qu'il y aura plus de gens qui voudront le faire d’une manière humaniste.
Voilà, je sais pas si ça répond ?
Question n° 2
IS : pour rebondir sur la réaction, en fait. Il y a une grosse mode depuis quelques années qui est le fait de transformer des données en infographie.
Et c’est vrai qu’on remarque, alors ça donne de très jolis posters, en général qui sont fait avec une poignée de chiffres sur un sujet.
En fait, si on s’amuse vraiment à regarder le poster, on se rend compte que la valeur esthétisante vise à proposer une émotion chez l’utilisateur, mais en fait il y a aucune information, aucun discourt critique en fait, si ce n’est des données jetées comme ça.
Régis : moue approbatrice.
IS : et en fait c’est souvent le problème. Et d’ailleurs je regardais le site USA Today, et je me disais en fait : c’est super joli, c’est très moderne, ça fait penser un peu à Windows 8, un peu à tout ce qui se fait en ce moment.
Et en même temps, j’étais étonné du peu de texte qu’il y avait, que pour arriver au texte il faut gratter des couches d’images et d’infographie et tout.
Et en fait je me demande si l’information est vraiment… est vraiment l’action d’informer vraiment à temps, quand on commence à susciter de l’émotion.
Régis : ah ! Ben c’est une bonne question. C’est pas une question mais…
Oui, ben c’est toujours le même problème, avec un graphique on peut mentir facilement, ou même interpréter l’information.
Parce que généralement, il y a beaucoup de personnes qui font des infographies sans avoir vraiment des notions de statistiques, ou d’agrégation de l’information.
Comment est-ce qu’on fait pour retirer la valeur d’une somme astronomique de contenus ?
Il faut en retirer des choses qui ont un vrai sens, qui sont vraies, et qui informent les lecteurs.
C’est un devoir ! C’est un devoir de le faire !
Mais par contre je suis pas forcément d’accord avec la critique sur USA Today.
Je crois simplement que dans un site où on a une quantité astronomique de contenus, le problème de la navigation est inhérent. Il faut trouver une solution.
Bon, c’est parce que dans la vidéo, j’ai fait un peu n’importe quoi.
J’ai pas vraiment montré des articles.
C’est simplement… J’ai simplement beaucoup montré la navigation.
Mais au contraire, il y a un aspect ludique à retrouver les articles, à parcourir… Encore cette sérendipité dont parlait Claudio avant.
Elle se retrouve énormément dans ce site là, en fait.
On a l’impression qu’on lit un article et puis on tombe sur un autre, et là on a envie de poursuivre, de poursuivre.
Ça, c’est plutôt la façon dont je le parcours au jour le jour.
Là, j’ai juste montré quelques interactions.
Donc voilà. Mais le problème en effet des visualisations, c’est clair qu’on peut aussi facilement induire les gens en erreur.
Et souvent en fait, c’est une technique assez connue de leur faire comprendre l’opposé de ce que disent les données à la base.
Question n° 3
IS : c’est pas vraiment une question. C’est juste… Ça m’a fait penser, notamment USA Today, à tous les articles présentés suivant un style blogazine.
C’est-à-dire, il y a beaucoup de graphistes qui se sont amusés, sur leur blog, à faire un design totalement différent pour chaque article, adapté au contenu, sans le présenter de façon standard.
Comme un peu le New York Times qui présent tous ses articles de la même façon.
Ça se voit beaucoup sur les blogs. Les articles sont… Le design est totalement différent pour chaque article et adapté pour l’interface.
Régis : absolument ! Et en fait pour moi, le Nirvana du Web, pour moi en tout cas, c’est d’atteindre le moment où en fait le contenu sera indissociable du design.
Comme quelqu’un dans l’audience tout à l’heure citait un exemple : un poème d’Apollinaire, on peut pas le lire sans le voir.
Et je trouve qu’il y a les exemples des blogazines. Mais aussi d’autres sites.
Ils ont trouvé cette façon de marquer le contenu avec quelque chose de visuel, ou parfois d'interactif, qui fait en sorte qu’on le comprend à un tout autre niveau en fait.
C’est pas simplement des mots, des phrases qui s’alignent.
C’est vraiment une histoire qui se déroule devant nos yeux.
Et quand cette histoire est racontée avec une structure qui a du sens, alors à ce moment-là il y a vraiment quelque chose qui se passe.
Le travail du designer, pour moi, c’est vraiment ça.
C’est pas simplement de créer une architecture de site dans laquelle on va facilement pouvoir placer le contenu, c’est aussi d’interpréter l’information.
C’est pas moi qui l’invente. C’est vieux comme le monde.
Mais d'interpréter information et de la mettre en scène de sorte que le visiteur lui-même puisse interpréter la même façon que le designer.
Question n° 4
IS : Bonjour.
Régis : Bonjour.
IS : je vais avoir un peu de mal à formuler ce que je veux dire. Mais, je voudrais aussi revenir sur USA Today.
Quand je suis tombé sur le site quand ils l’ont sorti, j’ai eu deux choses qui me sont venues à l’esprit.
C’est 1 : il y a tellement de… Enfin ça rejoint un peu ce que l’autre personne disait.
C’est… En fait on a l’impression qu’il y a beaucoup de choses, et à mon avis il y en a trop.
Ça devient extrêmement difficile de trouver de l’information sur le site. Effectivement, ça suscite l’émotion etc. et j’ai l’impression qu’en fait c’est plus… On irait sur USA Today pour… pas vraiment pour s’informer, mais plus oui pour voir :
tiens qu’est-ce qu’ils ont de nouveau ? De quoi ils parlent, etc. ?
Mais pour moi c’est pas vraiment de l’information.
C’est plus : on traîne un peu sur Internet et on navigue d’article en article.
Mais si on veut une vue d’ensemble de ce qui se passe dans le monde, etc. c’est extrêmement difficile je trouve sur ce site de l’avoir.
Parce qu’il faut aller dans chacune des catégories.
Il faut creuser tous les articles, et avec effectivement beaucoup de photos, beaucoup d’infographie etc., et en fait on passe énormément de temps et on a beaucoup plus de mal à trouver l’information.
Et en fait, l’autre réflexion que je me suis fait dans le même thème :
il se trouve que moi aussi je travaille dans un journal, mais en tant que développeur.
Du coup je m’intéresse pas mal à ce que les gens disent, etc., sur le site.
Et notamment il y a une réflexion de ma mère qui m’avait dit que sur le site sur lequel je travaille, Libération pour pas le citer, que par rapport à tous les autres en fait,
la home du site était extrêmement simple.
C’est juste un flux tout bête, tout moche.
Et ce qui est marrant, c’est qu’à l’intérieur de Libération…
Tout le monde le déteste en fait ce site.
Tout le monde voudrait un truc super design, dans le genre de USA Today ou autres, qui flashe de partout, etc. Et de l'autre côté, je pense que il y a un certain nombre de publics qui veulent s’informer et pour lesquels, avoir un flux tout bête, hyper neutre, hyper simple, finalement, c’est mieux pour arriver à véhiculer l’information.
Voilà. C’est pas vraiment une question c’est juste…
Régis : non mais je suis totalement d’accord, il y a deux approches.
Je sais pas si… J’ai jamais été voir sur le site de Libération mais…
Vous avez certainement vu, l’agence Mule a récemment mis en ligne un site qui s’appelle la Gazette… Peu importe… La Gazette du soir.
Et c’est ça… C’est vraiment une page, une page avec une sélection des meilleurs articles de la journée. Et ça se limite à ça.
Paf ! On clique sur un lien, on va sur le site en question.
Oui, il y a des gens qui sont attirés par ce genre d’expérience, il y en a d’autres qui ont envie d’être entertained ? Je sais pas comment dire en français.
Quelqu’un dans la salle : diverti.
Régis : diverti. Je suis belge, hein ! [Rires]
Oui. Tu as raison. Absolument. Mais par contre, là où je me pose la question :
toi en tant que développeur, est-ce que tu ne regardes pas les choses d’une manière différente qu’une personne lambda qui, elle, serait peut-être surprise par la présentation, et serait justement embarquée dedans.
Tu vois ? Elle serait comme embarquée dans une histoire.
Et maintenant, ta maman fait peut-être partie des gens qui ont juste besoin de l’information brute, et pas de distraction.
Tandis que d’autres à l’opposé peut-être ont besoin de décorum en fait pour lire un article, ou simplement pour s’intéresser à la presse.
Ils ont besoin de quelque chose d’un peu plus que le contenu pur et dur.
Je sais pas si ça répond ?
IS : si si ça réponse.
Régis : merci.
Président de session : on a juste une dernière question.
Question n° 5
IS : je voudrais revenir sur le site du designer dont tu parlais, qui exposait beaucoup sa vie, qui travaillait sur un journal intime. J’étais un peu surpris dans le sens où tu dis : je trouve ça étonnant quelqu’un qui s’expose autant sur le Web.
Alors je pense qu’on a tous des gens qui sont sur Facebook et qui s’exposent tant que ça.
Régis : ouais.
IS : du coup je me posais la question : est-ce qu’au cours de tes recherches, justement, tu as vu un petit peu une sorte de changement de mentalité sur l’exposition des émotions, être très transparents sur Internet, et un peu, pas s’exhiber, mais montrer ce qu’on ressent ou partager ce genre de sentiment ?
Régis : alors je sais pas s’il y a vraiment eu un shift.
Mais c’est plutôt de façon ponctuelle en fait. De temps en temps on tombe sur un article dans un blog où par exemple un designer commence à parler de ses enfants.
Et simplement le fait de basculer de sujets ou simplement de pas parler de design, ça change complètement la donne.
Maintenant c’est vrai que je remarque ça de plus en plus.
C’est-à-dire qu’il y a certains designers qui commencent simplement à montrer leur côté humain plutôt que leur qualité technique.
Ils ont tendance à s’épancher un peu plus. C’est peut-être pas seulement le cas des designers ?
C’est parce que moi, c’est le sujet qui m’intéresse.
Et en l’occurrence je pense pas vraiment qu’il y a eu un changement de mentalité comme ça brut. ça s’est fait progressivement. C’est simplement le fait de remplacer un support physique comme un journal intime par exemple, par le papier… par un site Internet.
Mais par contre, le site en question c’était vraiment le premier que j’ai rencontré où il y avait vraiment que ça, en fait.
C’était vraiment…
Pour quelqu’un qui travaille dans le monde du design, je veux dire qu'il y a énormément de blogs qui sont des journaux intimes en ligne. Mais là, c’est vraiment quelqu’un qui parle que de sa vie, de ses expériences, de ses voyages, de ses échecs, de ses réussites, de choses comme ça.
[Applaudissements]